Chers amis
du patrimoine de Repentigny
Nous poursuivons notre enquête
historico-ludique sur la vie de notre évêque mystère.
Vous avez été nombreux à vous passionner pour le premier article. Merci pour vos encouragements !
Nombreux aussi à vous plaindre de ce
suspense insoutenable !!!
Reconnaissez qu’il a débuté voici plus de 4 siècles quand ces panneaux ont été peints,
alors une semaine de plus ou de moins …
Il est quand
même temps de lever le voile sur le panneau gauche du verso de notre retable avec cette question lancinante: s'agit il de Saint Martin ?
Sur le premier tableau, en haut à
gauche, notre saint évêque rencontre ce qui semble être des personnages
importants reconnaissables à leurs riches vêtements.
Saint Martin
en a rencontré de nombreux. Sulpice Sévère raconte notamment:
« À peu près à l’époque où il reçut
l’épiscopat, Martin fut obligé de se présenter à la cour. Valentinien régnait
alors. Sachant que Martin demandait des choses qu’il ne voulait pas accorder,
il ordonna qu’on ne le laissât pas entrer au palais. Outre sa vanité et son
orgueil, il avait une épouse arienne (voir note plus bas)
qui l’éloignait du Saint et l’empêchait de lui rendre hommage.
C’est pourquoi
Martin, après avoir fait plusieurs tentatives inutiles pour pénétrer chez ce
prince orgueilleux, eut recours à ses armes ordinaires ; il se revêtit d’un
cilice, se couvrit de cendres, s’abstint de boire et de manger ; et pria jour
et nuit. Le septième jour, un ange lui apparut et lui ordonna de se rendre avec
confiance au palais ; il lui dit que les portes, quoique fermées, s’ouvriront
d’elles-mêmes, et que le fier empereur s’adoucira. Rassuré par la présence et
les paroles de l’ange, et aidé de son secours, il se rend au palais.
Les portes
s’ouvrent ; il ne rencontre personne, et parvient sans opposition jusqu’à
l’empereur. Celui-ci, le voyant venir de loin, frémit de rage de ce qu’on l’a
laissé entrer, et ne veut pas se lever pendant qu’il se tient debout. Tout à
coup son siège est couvert de flammes qui l’enveloppent, et forcent ce prince
orgueilleux de descendre de son trône et de se tenir debout, malgré lui, devant
Martin. Il embrasse ensuite celui qu’il avait résolu de mépriser, et avoue
qu’il a ressenti les effets de la puissance divine ; puis, sans attendre les
prières de Martin, il lui accorde tout ce qu’il veut, avant qu’il lui ait fait
aucune demande. Il le fit souvent venir pour s’entretenir avec lui, ou le faire
asseoir à sa table. À son départ, il lui offrit beaucoup de présents ; mais le
saint homme, voulant toujours rester pauvre, n’en accepta aucun. »
Note: L’arianisme est un courant de pensée théologique des débuts
du christianisme, due à Arius, théologien alexandrin au début du IV eme siècle,
et dont le point central concerne les positions respectives des concepts de «
Dieu le père » et « son fils Jésus ». La pensée de l'arianisme affirme que, si
Dieu est divin, son Fils, lui, est d'abord humain, mais un humain disposant
d'une part de divinité.
Le premier concile de Nicée, convoqué par Constantin en 325,
rejeta l'arianisme. Il fut dès lors qualifié d'hérésie par les chrétiens
trinitaires, mais les controverses sur la double nature, divine et humaine, du
Christ (Dieu fait homme), se prolongèrent pendant plus d'un demi-siècle. (Wikipedia)
Plus loin, Sulpice Sévère relate ce nouvel épisode
où la caractère bien trempé
du saint homme s'illustre de nouveau:
« Après des faits si grands, si merveilleux, en
voici quelques autres qui sembleraient peu importants, si l’on ne devait pas
placer au premier rang, surtout à notre époque où tout est dépravé et corrompu,
la fermeté d’un évêque refusant de s’humilier jusqu’à aduler le pouvoir
impérial. Quelques évêques étaient, venus de différentes contrées à la cour de
l’empereur, Maxime, homme fier, et que ses victoires dans les guerres civiles
avaient encore enflé, et ils s’abaissaient jusqu’à placer leur caractère sacré
sous le patronage de l’empereur; Martin, seul, conservait la dignité de
l’apôtre.
En effet, obligé d’intercéder auprès de l’empereur pour quelques
personnes, il commanda plutôt qu’il ne pria. Souvent invité par Maxime à
s’asseoir à sa table, il refusa, disant qu’il ne pouvait manger avec un homme
qui avait détrôné un empereur et, en avait fait mourir un autre. Maxime lui
assura que c’était contre son gré qu’il était monté sur le trône ; qu’il y
avait été forcé ; qu’il n’avait employé les armes que pour soutenir la
souveraineté que les soldats, sans doute par la volonté de Dieu, lui avaient
imposée; que la victoire si étonnante qu’il avait remportée prouvait bien que
Dieu combattait pour lui, et que tous ceux de ses ennemis qui étaient morts
n’avaient péri que sur le champ de bataille.
Martin se rendit à la fin soit aux
raisons de l’empereur, soit à ses prières, et vint à ce repas ; à la grande
joie du prince qui avait obtenu ce qu’il désirait si ardemment. Les convives,
réunis comme pour un jour de fête, étaient des personnages grands et illustres
; il y avait Évodius, en même temps préfet et consul, le plus juste des hommes,
et deux comtes très puissants, l’un frère et l’autre oncle de l’empereur.
Le prêtre qui avait accompagné Martin était placé entre
ces deux derniers ; quant à celui-ci, il occupait un petit siège près de
l’empereur.
À peu près vers le milieu du repas, l’échanson, selon l’usage,
présenta une coupe à l’empereur, qui ordonna de la porter au saint évêque ; car
il espérait et désirait vivement la recevoir ensuite de sa main.
Mais Martin,
après avoir bu, passa la coupe à son prêtre, ne trouvant personne plus digne de
boire le premier après lui, et croyant manquer à son devoir en préférât au
prêtre soit l’empereur, soit le plus élevé en dignité après lui. L’empereur et
tous les assistants admirèrent tellement cette action, que le mépris qu’il
avait montré pour eux fût précisément ce qui leur plut davantage. Le bruit se
répandit dans tout le palais que Martin avait fait à la table de l’empereur ce
qu’aucun évêque n’aurait osé faire à la table des juges les moins puissants. »
En l’occurrence, soit il s'agit de la rencontre de Martin avec le "tyran Avitianus" à Tours, soit il s'agit de l'empereur Maxime;
dans les deux cas l'épouse, soit d'Avitianus, soit de Maxime, joue un rôle essentiel, et ici l'image montre une grande dame à côté du prince.
Le deuxième panneau à droite semble raconter la guérison d’une
jeune fille paralysée dans son lit.
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj8Q6FQ8txZlFrtxgZuI0BL0uNvwSY2Y7xs2OG7sJfWAz69YL1eepLF9PMyrURaCq0vWY_bzRocUrXXh1_TfwSKg36w7DJzwnC9aP7GX4bT3hP54b7YhxTYcFO4c4jgHopu-zhrK0SWIUmM/s640/IMG_4063+retouch%25C3%25A9e.jpg)
Sulpice Sévère dans "La vie de St Martin - Chapitre XVI raconte « Martin était si puissant pour la
guérison des malades, que presque tous ceux qui venaient à lui étaient guéris.
L’exemple suivant en est la preuve. Il se trouvait à Trèves une jeune fille
atteinte d’une paralysie si complète, que tous ses membres, depuis longtemps,
lui refusaient leur service ; ils étaient déjà comme morts, et elle ne tenait
plus à la vie que par un souffle.
Ses parents
accablés de tristesse, étaient là, n’attendant plus que sa mort, lorsqu’on
apprit que Martin venait d’arriver dans la ville. Aussitôt, que le père de la
jeune fille en est instruit, il y court tout tremblant, et implore Martin pour
sa fille mourante. Par hasard le saint évêque était déjà entré dans l’église ;
là, en présence du peuple et de beaucoup d’autres évêques, le vieillard,
poussant des cris de douleur, embrasse ses genoux, et lui dit : « Ma fille
se meurt d’une maladie terrible, et ce qu’il y a de plus affreux, c’est que ses
membres, bien qu’ils vivent encore, sont comme morts et privés de tout
mouvement. Je vous supplie de venir la bénir, car j’ai la ferme confiance, que
vous lui rendrez la santé. »
Martin, étonné de
ces paroles qui le couvrent de confusion, s’excuse, en disant qu’il n’a pas ce
pouvoir, que le vieillard se trompe, et qu’il n’est pas digne que le Seigneur
se serve de lui pour faire un miracle. Le père, tout en larmes, insiste plus
vivement encore, et le supplie de visiter sa fille mourante. Martin se rend
enfin aux prières des évêques présents, et vient à la maison de la jeune fille.
Une grande foule se tient à la porte, attendant ce que le serviteur de Dieu va faire.
Et d’abord, ayant recours à ses armes
ordinaires, il se prosterne à terre et prie ; ensuite, regardant la malade, il
demande de l’huile; après l’avoir bénite, il en verse une certaine quantité
dans la bouche de la jeune fille, et la voix lui revient aussitôt ; puis, peu à
peu, par le contact de la main de Martin, ses membres, les uns après les
autres, commencent à reprendre la vie; enfin, ses forces reviennent, et elle
peut se tenir debout devant le peuple. »
Le panneau suivant pourrait être en lien avec une intercession
pour la guérison d’une autre jeune fille.
Toujours dans "La vie de St Martin" au chapitre XIX, on apprend que:
« Arborius,
ancien préfet, homme plein de foi et de piété, dont la fille était affectée
d’une fièvre quarte très violente, lui mit sur la poitrine une lettre de
Martin, qui lui était tombée par hasard entre les mains, et aussitôt la fièvre
cessa. Cette guérison toucha tellement Arborius, qu’il consacra sur-le-champ sa
fille, à Dieu, et la voua à une virginité perpétuelle. Il partit ensuite
pour aller trouver Martin, lui présenta sa fille qu’il avait guérie, quoique
étant absent, comme une preuve vivante de ce miracle, et ne souffrit pas qu’un
autre que Martin lui donnât le voile. »
Le panneau en
dessous montre un homme visiblement mort, déjà dans son cercueil, se relevant.
Est-ce une référence à
cette épisode de la vie de Saint Martin, un de ses premiers miracles?
« Sur ces entrefaites, un catéchumène,
désirant être instruit- par un si saint homme, se joignit à lui ; mais peu de
jours après il fut pris de la fièvre. Martin était alors absent par hasard.
Cette absence se prolongea trois jours encore, et à son retour il le trouva
mort.
L’événement avait été si soudain, qu’il avait quitté la terre n’ayant pas
encore reçu le baptême. Le corps était placé au milieu de la chambre, où les
frères se succédaient sans cesse pour lui rendre leurs devoirs, lorsque Martin
accourut, pleurant et se lamentant. Implorant alors avec ardeur la grâce de
l’Esprit Saint, il fait sortir tout le monde, et s’étend sur le cadavre du
frère. Après avoir prié avec ferveur pendant quelque temps, averti par l’Esprit
du Seigneur que le miracle va s’opérer, il se soulève un peu, et, regardant
fixement le visage du défunt, il attend avec confiance l’effet de sa prière et
de la miséricorde divine. À peine deux heures s’étaient-elles écoulées, qu’il
vit tous les membres du défunt s’agiter faiblement ; et les yeux s’entrouvrir.
Alors Martin rend grâces à Dieu à haute voix, et fait retentir la cellule des
accents de sa joie. À ce bruit, ceux qui se tenaient au dehors rentrent
précipitamment, et (ô spectacle admirable !) ils trouvent plein de vie
celui qu’ils avaient laissé inanimé. Ce catéchumène, revenu à la vie, fut
aussitôt baptisé, et vécut encore plusieurs années.»
Le dernier tableau est relatif à la mort du
saint homme. L’évêque qui le bénit est sans doute de saint Ambroise de Milan qui, selon une légende rapportée par Grégoire de Tours, avait assisté à la mort de Martin.
D'ailleurs on peut voir un autre ou peut-être deux autres évêques; une autre légende rapporte aussi en effet la présence de saint Séverin évêque de Cologne à la mort de Martin.
Sulpice Sévère n’est pas avare en détails
sur la mort de son maître. Dans sa lettre à Bassula, sa belle-mère, il raconte
comment Saint Martin a « quitté cette vie pour l’éternité ».
« ...Martin connut l’heure de sa mort
longtemps d’avance, et annonça à ses frères que la dissolution de son corps était
proche. Il eut à cette époque un motif pour aller visiter la
paroisse de Candes; car, désirant rétablir la concorde parmi les
clercs de cette église qui étaient divisés, quoiqu’il sût que sa fin
approchait, il ne balança pas à entreprendre ce voyage. Il pensait qu’il
couronnerait dignement ses travaux s’il rétablissait la paix dans cette église
avant de mourir.
Ô homme admirable, que ni le travail ni la
mort même ne peuvent, vaincre ! qui demeure indifférent, qui ne craint, ni
la mort ni la vie ! Ainsi, malgré l’ardeur de la fièvre qui le consumait
depuis plusieurs jours, il poursuivait l’œuvre de Dieu avec un zèle
infatigable. Il veillait toutes les nuits, et les passait en prière. Étendu sur
sa noble couche, la cendre et le cilice, il se faisait obéir de ses membres
épuisés par l’âge et la maladie.Ses disciples l’ayant prié de souffrir qu’on
mît un peu de paille sur sa couche : « Non, mes enfants, répondit-il, il
ne convient pas qu’un chrétien meure autrement que sur la cendre et le cilice ;
je serais moi-même coupable de vous laisser un autre exemple. » Il tenait
ses regards et ses mains continuellement élevés vers le ciel, et ne se lassait
point de prier.
Un grand nombre de prêtres qui s’étaient
réunis près de lui, le priaient de leur permettre de se soulager un peu en le
changeant de position : « Laissez-moi, mes frères, répondit-il ;
laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre, afin que mon âme prenne plus
facilement son essor vers Dieu. »
À peine eut-il achevé ces mots, qu’il
aperçut le démon à ses côtés. « Que fais-tu ici, bête cruelle ! tu ne
trouveras rien en moi qui t’appartienne : je serai reçu dans le sein
d’Abraham. » Après ces paroles, il expira. Des témoins de sa mort nous ont attesté
qu’en ce moment son visage parut celui d’un ange, et que ses membres devinrent
blancs comme la neige. Aussi s’écrièrent-ils : « Pourrait-on jamais croire
qu’il soit revêtu d’un cilice et couvert de cendres ? » Car, dans l’état
où ils virent alors son corps, il semblait qu’il jouît déjà de la
transformation, glorieuse des corps ressuscités. Il est impossible de s’imaginer
l’innombrable multitude de ceux qui vinent. lui rendre les derniers devoirs.
Presque toute la ville de Tours accourut au-devant du saint corps ; tous les
habitants des campagnes et des bourgs voisins, et même un grand nombre de
personnes des autres villes s’y trouvèrent. Oh ! quelle affliction dans
tous les cœurs ! Quels douloureux gémissements faisaient entendre, surtout les
moines !
On dit qu’il en vint environ deux mille :
c’était la gloire de Martin, les fruits vivants et innombrables de ses saints
exemples. Ainsi, le pasteur conduisait-il ses ouailles devant lui, de saintes
multitudes pâles de douleur, des troupes nombreuses de moines revêtus de
manteaux, des vieillards épuisés par de longs travaux, de jeunes novices de la
solitude et du sanctuaire. Apparaissait ensuite le chœur des vierges, que la
retenue empêchait de pleurer, et qui dissimulaient par une joie toute sainte la
profonde affliction de leurs cœurs : et si la confiance qu’elles avaient dans
la sainteté de Martin ne leur permettait pas de paraître tristes, l’amour
qu’elles lui portaient leur arrachait cependant quelques gémissements. Car la
gloire dont Martin jouissait déjà causait autant de joie, que sa mort qui le
ravissait à ses enfants leur causait de douleur. Il fallait pardonner les
larmes des uns et partager l’allégresse des autres ; car chacun, en pleurant
pour soi-même, devait en même temps se réjouir pour lui. »
Voila vous savez tout ... ou presque !
Vous êtes à même de vous faire une opinion !
Alors, selon vous,
Saint Martin, p'tet ben que oui ou p'tet ben que non ?
Crédit
photos : Philippe Duflot (MOF) et Gilbert Guillotin - Photo - Club de
Cambremer